16 February 2018

La FINMA publie un guide pratique sur les ICO

Dans le contexte d’une hausse significative des initial coin offerings (ICO) effectués ou prévus en Suisse, la FINMA s’est vue et se voit encore confrontée à de nombreuses questions d’assujettissement. Un ICO permet d’effectuer une levée publique de capitaux sous forme numérique, à des fins entrepreneuriales, sur la base de la technologie de la blockchain. Dans le guide pratique publié aujourd’hui, la FINMA précise en complément de la communication sur la surveillance 04/2017 les modalité selon lesquelles elle traite les demandes d’assujettissement des organisateurs d’ICO, eu égard à une situation juridique sujette à interprétation. La FINMA considère que cette transparence concernant sa méthodologie est importante et appropriée, compte tenu de la dynamique particulière du marché et de la forte demande dans ce domaine.

La prise en compte des particularités de chaque cas est déterminante

Le droit régissant les marchés financiers n’est pas applicable à tous les ICO et l’obligation d’assujettissement n’est pas systématique, car la définition des ICO est extrêmement variable. Les caractéristiques de chaque cas particulier doivent toujours être prises en compte. Ainsi que l’indiquait déjà la communication sur la surveillance 04/2017, le droit général régissant les marchés financiers peut s'appliquer à différents éléments des ICO. Il n’y a, en revanche, pas encore d’exigences réglementaires spécifiques concernant les ICO. Actuellement, il n’y a pas non plus de jurisprudence applicable ni de doctrine juridique uniforme.

Les principes de la FINMA se concentrent sur la fonctionnalité et la transmissibilité des jetons

Dans son évaluation prudentielle des ICO, la FINMA suit une approche qui se focalise sur la fonction économique et le but des jetons, autrement dit des unités basées sur la blockchain qui sont émises par l’organisateur de l’ICO. La classification des jetons et la question de savoir si ces jetons sont négociables ou transmissibles avant même le début de l’ICO sont essentielles. Il n’existe pas actuellement en Suisse ni ailleurs dans le monde de classification universellement reconnue des jetons. D’un point de vue fonctionnel, la FINMA distingue trois types de jetons, des formes mixtes étant également possibles :
  • Les jetons de paiement sont assimilables à des « cryptomonnaies » pures, sans être liés à d’autres fonctionnalités ni projets. Dans certains cas, les jetons ne peuvent développer la fonctionnalité nécessaire et leur acceptation comme moyen de paiement qu’au fil du temps.
  • Les jetons d’utilité sont des jetons qui doivent donner accès à un usage ou à un service numériques.
  • Les jetons d’investissement représentent des valeurs patrimoniales telles que des parts dans des valeurs réelles, des entreprises, des revenus ou un droit à des dividendes ou des intérêts. Sous l’angle de sa fonction économique, le jeton doit être considéré comme une action, une obligation ou un instrument financier dérivé.

Focalisation sur les règles relatives au blanchiment d’argent et au négoce de valeurs mobilières

Lors de son analyse, la FINMA a constaté que les lois régissant les marchés financiers s'appliquent aux ICO le plus souvent dans les domaines de la lutte contre le blanchiment d’argent et du négoce de valeurs mobilières. Les applications qui nécessiteraient un assujettissement à la loi sur les banques ou à la loi sur les placements collectifs sont plus rares.

La loi sur le blanchiment d’argent prévoit pour les intermédiaires financiers des obligations telles que l’identification des ayants droit économiques. Cette loi a pour but de protéger le système financier du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme. Les risques de blanchiment d’argent sont particulièrement élevés dans un système organisé de manière décentralisée sur la base de la blockchain, dans lequel les valeurs patrimoniales peuvent être transmises de façon anonyme.

Les règles du négoce de valeurs mobilières ont pour but de garantir aux acteurs du marché la possibilité de prendre leurs décisions de placement en actions ou en obligations sur la base d’informations minimales fiables. Il s’agit en outre de s’assurer que le négoce peut être réalisé de manière équitable, fiable et avec une formation des prix efficiente.

Sur la base des critères de fonctionnalité et de transmissibilité évoqués, la FINMA parvient à l’évaluation prudentielle suivante des ICO (cf. également le graphique dans le guide pratique, pages 7 et 8) :
  • ICO de paiement : la FINMA considère comme clairement soumis aux dispositions en matière de blanchiment d’argent les ICO dont les jetons remplissent la fonction économique de moyen de paiement et sont déjà transmissibles. La FINMA ne traitera cependant pas ces jetons comme des valeurs mobilières.
  • ICO d’utilité : les jetons d'utilité ne sont pas considérés comme des valeurs mobilières s'ils confèrent uniquement un droit d’accès à un usage ou à un service numériques et qu'ils sont utilisables dans ce sens à la date d’émission. Dans tous les cas où la fonction économique en tant qu'investissement existe également (ou seule cette fonction existe), la FINMA les traite comme des valeurs mobilières (comme des jetons d'investissement).
  • ICO d’investissement : la FINMA considère les jetons d’investissement comme des valeurs mobilières avec les conséquences correspondantes sur leur négoce dans l’optique du droit des marchés financiers. En règle générale, cette approche implique également pour les ICO des obligations correspondantes selon le Code des obligations (par ex. obligations d’établir des prospectus).

Les ICO peuvent également constituer des formes mixtes de ces catégories. Un assujettissement à la loi sur le blanchiment d’argent est par exemple possible lorsqu’un jeton d’utilité est également utilisable de manière généralisée comme moyen de paiement ou doit pouvoir être utilisé comme tel.

La technologie de la blockchain offre un potentiel d’innovation

La FINMA se réserve le droit de publier dans une circulaire l’interprétation des lois régissant les marchés financiers en vigueur concernant les ICO dans des cas concrets, après un approfondissement supplémentaire de sa pratique en matière de surveillance.

La FINMA reconnaît le potentiel d’innovation de la technologie de la blockchain. Elle soutient par conséquent le groupe de travail sur la technologie « blockchain » et les ICOs de la Confédération dédié à ce thème et y participe. La clarté sur les conditions-cadres du droit civil sera une condition déterminante pour l’établissement durable et réussi de cette technologie en Suisse.

Mark Branson, directeur de la FINMA, souligne que « La technologie de la blockchain offre un potentiel d’innovation pour les marchés financiers et bien au-delà. Les projets de blockchain qui fonctionnent de manière comparable aux activités soumises à autorisation ne doivent cependant pas contourner le cadre réglementaire éprouvé. Notre approche équilibrée du traitement des projets et des demandes d'ICO permet aux innovateurs sérieux de trouver leurs marques dans le contexte réglementaire et de lancer leurs projets de manière à respecter les lois existantes, permettant ainsi de protéger les investisseurs et l’intégrité de la place financière. »

Indications pour les investisseurs

La FINMA a déjà attiré l’attention, à plusieurs reprises, sur les risques des ICO pour les investisseurs. Les prix des jetons acquis dans le cadre d’un ICO sont généralement très volatils. De nombreux ICO n’en étant qu’à leurs débuts, il subsiste beaucoup d’incertitudes en lien avec les projets d’ICO à financer et à réaliser. Des incertitudes subsistent par ailleurs dans le droit en vigueur quant à la possibilité de transmettre et de faire valoir, du point de vue du droit civil, des droits annoncés ou susceptibles d’être en relation avec des jetons.

Les clarifications en matière d’ICO se poursuivent

Comme annoncé en septembre 2017, la FINMA procède à des clarifications dans plusieurs cas d’ICO. Si la FINMA dispose d’indices selon lesquels des modèles d’affaires ICO enfreignent le droit de la surveillance, permettent de contourner les lois sur la surveillance ou ont même été mis en place dans une intention frauduleuse, elle engagera des procédures d’enforcement.

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